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les indes-noires.

CHAPITRE V.

la famille ford.


Dix minutes après, James Starr et Harry sortaient enfin de la galerie principale.

Le jeune mineur et son compagnon étaient arrivés au fond d’une clairière, — si toutefois ce mot peut servir à désigner une vaste et obscure excavation. Cette excavation, cependant, n’était pas absolument dépourvue de jour. Quelques rayons lui arrivaient par l’orifice d’un puits abandonné, qui avait été foncé dans les étages supérieurs. C’était par ce conduit que s’établissait le courant d’aération de la fosse Dochart. Grâce à sa moindre densité, l’air chaud de l’intérieur était entraîné vers le puits Yarow.

Donc, un peu d’air et de clarté pénétrait à la fois à travers l’épaisse voûte de schiste jusqu’à la clairière.

C’était là que Simon Ford habitait depuis dix ans, avec sa famille, une souterraine demeure, évidée dans le massif schisteux, à l’endroit même où fonctionnaient autrefois les puissantes machines, destinées à opérer la traction mécanique de la fosse Dochart.

Telle était l’habitation — à laquelle il donnait volontiers le nom de « cottage » —, où résidait le vieil overman. Grâce à une certaine aisance, due à une longue existence de travail, Simon Ford aurait pu vivre en plein soleil, au milieu des arbres, dans n’importe quelle ville du royaume ; mais les siens et lui avaient préféré ne pas quitter la houillère, où ils étaient heureux, ayant mêmes idées, mêmes goûts. Oui ! il leur plaisait, ce cottage, enfoui à quinze cents pieds au-dessous du sol écossais. Entre autres avantages, il n’y avait pas à craindre que les agents du fisc, les « stentmaters » chargés d’établir la capitation, vinssent jamais y relancer ses hôtes !

À cette époque, Simon Ford, l’ancien overman de la fosse Dochart, portait vigoureusement encore ses soixante-cinq ans. Grand, robuste, bien taillé, il eût été regardé comme l’un des plus remarquables « sawneys[1] » du canton, qui fournissait tant de beaux hommes aux régiments de Highlanders.


  1. Le sawney, c’est l’Écossais, comme John Bull est l’Anglais, et Paddy l’Irlandais.