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la famille ford

Simon Ford descendait d’une ancienne famille de mineurs, et sa généalogie remontait aux premiers temps où furent exploités les gisements carbonifères en Écosse.

Sans rechercher archéologiquement si les Grecs et les Romains ont fait usage de la houille, si les Chinois utilisaient les mines de charbon bien avant l’ère chrétienne, sans discuter si réellement le combustible minéral doit son nom au maréchal ferrant Houillos, qui vivait en Belgique dans le XIIe siècle, on peut affirmer que les bassins de la Grande-Bretagne furent les premiers dont l’exploitation fut mise en cours régulier. Au XIe siècle, déjà, Guillaume le Conquérant partageait entre ses compagnons d’armes les produits du bassin de Newcastle. Au XIIIe siècle, une licence d’exploitation du « charbon marin » était concédée par Henri III. Enfin, vers la fin du même siècle, il est fait mention des gisements de l’Écosse et du pays de Galles.

Ce fut vers ce temps que les ancêtres de Simon Ford pénétrèrent dans les entrailles du sol calédonien, pour n’en plus sortir, de père en fils. Ce n’étaient que de simples ouvriers. Ils travaillaient comme des forçats à l’extraction du précieux combustible. On croit même que les charbonniers mineurs, tout comme les sauniers de cette époque, étaient alors de véritables esclaves. En effet, au XVIIIe siècle, cette opinion était si bien établie en Écosse, que, pendant la guerre du Prétendant, on put craindre que vingt mille mineurs de Newcastle ne se soulevassent pour reconquérir une liberté — qu’ils ne croyaient pas avoir.

Quoi qu’il en soit, Simon Ford était fier d’appartenir à cette grande famille des houilleurs écossais. Il avait travaillé de ses mains, là même où ses ancêtres avaient manié le pic, la pince, la rivelaine et la pioche. À trente ans, il était overman de la fosse Dochart, la plus importante des houillères d’Aberfoyle. Il aimait passionnément son métier. Pendant de longues années, il exerça ses fonctions avec zèle. Son seul chagrin était de voir la couche s’appauvrir et de prévoir l’heure très prochaine où le gisement serait épuisé.

C’est alors qu’il s’était adonné à la recherche de nouveaux filons dans toutes les fosses d’Aberfoyle, qui communiquaient souterrainement entre elles. Il avait eu le bonheur d’en découvrir quelques-uns pendant la dernière période d’exploitation. Son instinct de mineur le servait merveilleusement, et l’ingénieur James Starr l’appréciait fort. On eût dit qu’il devinait les gisements dans les entrailles de la houillère, comme un hydroscope devine les sources sous la couche du sol.

Mais le moment arriva, on l’a dit, où la matière combustible manqua tout à fait à la houillère. Les sondages ne donnèrent plus aucun résultat. Il fut évident