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un tour dans les bureaux de « la centenaire ».

— Monsieur, répondit William J. Bidulph, rien de plus simple. Deux signatures, la vôtre et la mienne, au bas d’une police, et l’assurance sera faite, après quelques formalités préliminaires. Mais, monsieur… permettez-moi cette question… vous avez donc le désir de ne mourir qu’à un âge très avancé, désir bien naturel d’ailleurs ?

— Pourquoi ? demanda Kin-Fo. Le plus ordinairement, l’assurance sur la vie indique chez l’assuré la crainte qu’une mort trop prochaine…

— Oh ! monsieur ! répondit William J. Bidulph le plus sérieusement du monde, cette crainte ne se produit jamais chez les clients de la Centenaire ! Son nom ne l’indique-t-il pas ? S’assurer chez nous, c’est prendre un brevet de longue vie ! Je vous demande pardon, mais il est rare que nos assurés ne dépassent pas la centaine… très rare… très rare !… Dans leur intérêt, nous devrions leur arracher la vie ! Aussi, faisons-nous des affaires superbes ! Donc, je vous préviens, monsieur, s’assurer à la Centenaire, c’est la quasi-certitude d’en devenir un soi-même !

— Ah ! » fit tranquillement Kin-Fo, en regardant de son œil froid William J. Bidulph.

L’agent principal, sérieux comme un ministre, n’avait aucunement l’air de plaisanter.

« Quoi qu’il en soit, reprit Kin-Fo, je désire me faire assurer pour deux cent mille dollars[1].

— Nous disons un capital de deux cent mille dollars », répondit William J. Bidulph.

Et il inscrivit sur un carnet ce chiffre, dont l’importance ne le fit pas même sourciller.

« Vous savez, ajouta-t-il, que l’assurance est de nul effet, et que toutes les primes payées, quel qu’en soit le nombre, demeurent acquises à la Compagnie, si la personne sur la tête de laquelle repose l’assurance perd la vie par le fait du bénéficiaire du contrat ?

— Je le sais.

— Et quels risques prétendez-vous assurer, mon cher monsieur ?

— Tous.

— Les risques de voyage par terre ou par mer, et ceux de séjour hors des limites du Céleste Empire ?

  1. Un million de francs.