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LES PRÉCURSEURS DU CAPITAINE COOK.

trouver des provisions en abondance, et dont l’accès serait, peut-être, moins difficile.

Ces prévisions n’allaient pas tarder à se réaliser. Le 19, au lever du soleil, les marins anglais furent fort étonnés de se voir environnés de plusieurs centaines de pirogues, grandes et petites, montées par plus de huit cents individus. Après s’être concertés quelque temps à l’écart, quelques-uns des indigènes s’approchèrent, tenant à la main des rameaux de bananier. Ils s’étaient décidés à monter sur le bâtiment, et les échanges avaient commencé, lorsqu’un incident assez grotesque faillit compromettre ces relations amicales.

Un des naturels, qui se tenait sur le passavant, fut heurté par une chèvre. Il se retourne, aperçoit cet animal inconnu dressé sur ses pieds de derrière, qui se prépare à l’assaillir de nouveau. Frappé de terreur, il se précipite à la mer, et tous les autres en font autant. On eût dit des moutons de Panurge ! Ils se remirent cependant de cette alarme, remontèrent à bord et firent appel à toute leur adresse et à leur subtilité pour dérober quelques objets. Seul, un officier eut son chapeau volé. Pendant ce temps, le bâtiment continuait à suivre le rivage, à la recherche d’un havre sûr et bien abrité, tandis que les embarcations côtoyaient la terre au plus près, pour sonder.

Jamais, durant ce voyage, les Anglais n’avaient vu pays si pittoresque et si attrayant. Sur le bord de la mer, des bosquets de bois, d’où émergeaient les gracieux panaches des cocotiers, ombrageaient les cabanes des naturels. Dans l’intérieur, une série de collines, aux croupes plantureuses, s’élevaient par étages, et l’on distinguait, au milieu de la verdure, les sillons argentés d’une multitude de ruisseaux qui descendaient jusqu’à la mer.

À l’entrée d’une large baie, les chaloupes, qui s’étaient éloignées pour sonder, furent tout à coup entourées d’une multitude de pirogues. Afin d’éviter une collision, Wallis fit tirer neuf coups de pierriers par-dessus la tête des indigènes ; mais, malgré la frayeur que leur causèrent les détonations, ceux-ci continuèrent à se rapprocher. Le capitaine fit alors signal à ses embarcations de rallier le bord. Quelques naturels, se voyant à portée, commencèrent à lancer des pierres qui blessèrent plusieurs matelots. Mais le patron de la chaloupe répondit à cette agression par un coup de fusil chargé à plomb, qui atteignit l’un des assaillants et mit tous les autres en fuite.

Le lendemain, à l’embouchure d’une belle rivière, le Dauphin put jeter l’ancre par vingt brasses d’eau. La joie fut universelle parmi les matelots. Tout d’abord, les pirogues entourèrent en foule le bâtiment, apportant des cochons, de la volaille et quantité de fruits, bientôt échangés contre de la quincaillerie