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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

Mais il constata que toute tradition relative à Tasman était effacée, bien qu’on fut seulement à quinze milles au sud de la baie des Assassins.

Dans un des paniers à provisions des Zélandais, on aperçut deux os à demi rongés. Il ne semblait pas que ce fussent des os de chien, et lorsqu’on les examina de près, on reconnut que c’étaient des débris humains. Les indigènes interrogés ne firent pas difficulté de répondre qu’ils avaient l’habitude de manger leurs ennemis. Quelques jours plus tard, ils apportèrent même à bord de l’Endeavour sept têtes d’hommes, auxquelles adhéraient encore les cheveux et la chair, mais dont ils avaient tiré la cervelle, qu’ils considèrent comme un mets très-délicat. La chair était molle, et, sans doute, on l’avait préservée de la putréfaction au moyen de quelque ingrédient, car elle n’avait point d’odeur désagréable. Banks acheta avec beaucoup de peine une de ces têtes ; mais il ne put décider le vieillard qui les avait apportées à lui en céder une seconde, peut-être parce que les Zélandais les considèrent comme un trophée et une preuve de leur bravoure.

Les jours suivants furent consacrés à la visite des environs et à quelques promenades. Pendant l’une de ces excursions, Cook, ayant gravi une très haute colline, aperçut distinctement tout le détroit, auquel il avait donné le nom de canal de la Reine-Charlotte, et la côte opposée, qui lui parut éloignée d’environ quatre lieues. À cause du brouillard, il lui fut impossible de la découvrir au loin dans le S.-E. Mais il en avait assez vu pour comprendre que là finissait la grande île dont il venait de suivre tous les contours. Il lui restait donc à explorer celle qu’il découvrait au sud. C’est ce qu’il se promit de faire, aussitôt qu’il se serait assuré, en le parcourant dans toute sa longueur, que le canal de la Reine-Charlotte était bien un détroit.

Dans les environs, Cook eut l’occasion de visiter un « i-pah ». Bâti sur une petite île ou un rocher d’accès très difficile, l’i-pah n’est autre chose qu’un village fortifié.

Le plus souvent, les naturels ont ajouté aux difficultés naturelles des fortifications qui en rendent l’abord des plus périlleux. Plusieurs de ceux qu’on visita étaient défendus par un double fossé, dont l’intérieur avait un parapet et une double palissade. Le second fossé ne mesurait pas moins de vingt-quatre pieds de profondeur. En dedans de la palissade intérieure s’élevait, à vingt pieds de haut, une plate-forme de quarante pieds de long sur six de large. Soutenue par de gros poteaux, elle était destinée à porter les défenseurs de la place, qui, de là, pouvaient facilement accabler les agresseurs de dards et de pierres, dont il y a toujours des tas énormes préparés en cas de besoin. Ces places fortes sont