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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

ques, et le sommet d’une de ses collines rappelait beaucoup la forme d’un cratère. L’aspect du pays est le même, mais en petit, qu’à Taïti, car la circonférence de Huaheine n’est que de sept ou huit lieues.

Cook alla rendre visite, à son vieil ami Orée. Le roi, bannissant tout cérémonial, se jeta au cou du capitaine en pleurant de joie ; puis, il lui présenta ses amis, auxquels le capitaine fit quelques présents. Quant au roi, il lui offrit ce qu’il possédait de plus précieux, car il considérait cet homme comme un père. Orée promit d’approvisionner les Anglais de tout ce dont ils auraient besoin, et tint parole avec la plus grande loyauté.

Cependant, le 6 au matin, les matelots qui présidaient aux échanges furent insultés par un naturel couvert de rouge, en habit de guerre, et qui, tenant une massue de chaque main, menaçait tout le monde. Cook, arrivant à terre en ce moment-là, se jeta sur l’indigène, lutta avec lui et finit par s’emparer de sa massue, qu’il brisa.

Le même jour, un autre incident se produisit. Sparrman avait imprudemment pénétré dans l’intérieur de l’île pour y faire des recherches de botanique. Quelques naturels, profitant du moment où il examinait une plante, lui arrachèrent de la ceinture une dague, seule arme qu’il portât sur lui, lui en donnèrent un coup sur la tête et, se précipitant sur lui, arrachèrent par lambeaux une partie de ses éléments. Cependant, Sparrman parvint à se relever, et se mit à courir vers la plage. Mais, embarrassé par des buissons et des ronces, il fut rejoint par les naturels, qui allaient lui couper les mains pour s’emparer de sa chemise, dont les manches étaient boutonnées, lorsqu’il put déchirer les poignets avec ses dents. D’autres insulaires, le voyant nu et meurtri, lui passèrent leurs vêtements et le conduisirent sur la place du marché, où se trouvait une foule de naturels. Au moment où Sparrman parut en cet état, tous prirent la fuite sans s’être consultés. Cook crut d’abord qu’ils venaient de commettre quelque vol. Détrompé en apercevant le naturaliste, il rappela aussitôt quelques indigènes, les assura qu’il ne se vengerait pas sur des innocents, et porta sa plainte immédiatement à Orée. Celui-ci, désolé et furieux de ce qui s’était passé, accabla son peuple de reproches véhéments, et promit de tout faire pour retrouver les voleurs et les objets volés.

En effet, malgré les supplications des naturels, le roi s’embarqua dans la chaloupe du commandant, et se mit avec lui à la recherche des coupables. Ceux-ci s’étaient dérobés, et, pour le moment, il fallut renoncer à les atteindre. Orée accompagna donc Cook à son bord, dîna avec lui, et, lorsqu’il revint à terre, fut accueilli avec les démonstrations de joie les plus vives par ses sujets, qui n’espéraient plus le revoir.