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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

Cependant, à tout prix, s’il ne voulait pas voir la mort décimer son équipage, il fallait que Surville gagnât une terre où il pû débarquer ses malades et leur procurer des vivres frais. Il se résolut donc à gagner la Nouvelle-Zélande, qui n’avait pas été visitée depuis Tasman.

Ce fut le 12 décembre 1769 que Surville en aperçut les côtes par 35° 37’ de latitude australe, et, cinq jours après, il jetait l’ancre dans une baie qu’il appela baie Lauriston. Au fond se trouvait une anse, qui reçut le nom de Chevalier, en l’honneur des promoteurs de l’expédition. Il est bon de remarquer que le capitaine Cook était en train de reconnaître cette terre depuis le commencement d’octobre, et qu’il devait passer quelques jours après devant la baie Lauriston, sans apercevoir le bâtiment français.

Au mouillage de l’anse Chevalier, Surville fut surpris par une épouvantable tempête qui le mit à deux doigts de sa perte ; mais son habileté nautique était si bien connue de ses matelots qu’ils ne se troublèrent pas un instant, et exécutèrent les manœuvres ordonnées par leur capitaine avec un sang-froid dont les Zélandais furent malheureusement seuls à être témoins.

En effet, la chaloupe qui portait les malades à terre n’avait pas eu le temps de rallier le bord, lorsque l’orage éclata dans toute sa fureur, et elle fut jetée dans une anse qui prit le nom d’anse du Refuge. Les matelots et les malades trouvèrent un accueil empressé auprès d’un chef nommé Naginoui, qui les reçut dans sa case et leur prodigua tous les rafraîchissements qu’il put se procurer pendant leur séjour.

Un des canots, qui était à la traîne derrière le Saint-Jean-Baptiste, avait été enlevé par les vagues. Surville l’aperçut échoué dans l’anse du Refuge. Il l’envoya chercher ; mais on n’en trouva plus que l’amarre : les naturels l’avaient enlevé. Ce fut en vain qu’on remonta la rivière ; il n’y avait nulle trace de l’embarcation. Surville ne voulut pas laisser ce vol impuni ; il fit signe à quelques Indiens qui se tenaient auprès de leurs pirogues de venir près de lui. L’un d’entre eux accourut, fut aussitôt saisi et emmené à bord. Les autres prirent la fuite.

« On s’empara d’une pirogue, dit Crozet, on brûla les autres, on mit le feu aux cases et l’on se rendit au vaisseau. L’Indien qui fut arrêté fut reconnu par le chirurgien pour être le chef qui les avait si généreusement secourus pendant la tempête ; c’était l’infortuné Naginoui, qui, après les services qu’il avait rendus, devait être bien éloigné de s’attendre au traitement qu’on lui préparait, lorsqu’il accourut au premier signe de Surville. »

Il mourut le 24 mars 1770, devant l’île Juan-Fernandez.