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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

et plusieurs officiers descendirent à terre. Les habitants s’étaient enfuis tout récemment, car les cendres de leurs feux n’étaient pas encore refroidies.

Au moment où les navigateurs allaient se rembarquer, après avoir laissé quelques présents pour les habitants, une pirogue débarquait sept naturels, qui ne parurent nullement effrayés.

« Dans ce nombre, dit la relation, étaient deux vieillards ayant une longue barbe blanche, vêtus d’une étoffe d’écorce d’arbres assez semblable aux pagnes de Madagascar. Deux des sept insulaires avaient des habits de nankin bleu ouatés, et la forme de leur habillement différait peu de celle des Chinois. D’autres n’avaient qu’une longue robe qui fermait entièrement au moyen d’une ceinture et de quelques petits boutons, ce qui les dispensait de porter des caleçons. Leur tête était nue, et, chez deux ou trois, entourée seulement d’un bandeau de peau d’ours ; ils avaient le toupet et les faces rasées, tous les cheveux de derrière conservés dans la longueur de huit ou dix pouces, mais d’une manière différente des Chinois, qui ne laissent qu’une touffe de cheveux en rond qu’ils appellent pentsec. Tous avaient des bottes de loup marin avec un pied à la chinoise très artistement travaillé.

« Leurs armes étaient des arcs, des piques et des flèches garnies de fer. Le plus vieux de ces insulaires, celui auquel les autres témoignaient le plus d’égards, avait les yeux dans un très mauvais état. Il portait autour de la tête un garde-vue pour se garantir de la trop grande clarté du soleil. Les manières de ces habitants étaient graves, nobles et très affectueuses. »

M. de Langle leur donna rendez-vous pour le lendemain. La Pérouse et la plupart de ses officiers s’y rendirent. Les renseignements qu’ils obtinrent de ces Tartares étaient importants, et ils devaient déterminer La Pérouse à pousser sa reconnaissance plus au nord.

« Nous parvînmes à leur faire comprendre, dit-il, que nous désirions qu’ils figurassent leur pays et celui des Mandchoux. Alors un des vieillards se leva et, avec le bout de sa pique, il traça la côte de Tartarie, à l’ouest, courant à peu près nord et sud. À l’est, vis-à-vis, et dans la même direction, il figura son île, et, en portant la main sur la poitrine, il nous fit entendre qu’il venait de tracer son propre pays. Il avait laissé entre la Tartarie et son île un détroit, et se tournant vers nos vaisseaux qu’on apercevait du rivage, il marqua par un trait qu’on pouvait y passer. Au sud de cette île, il en avait figuré une autre et avait laissé un détroit, en indiquant que c’était encore une route pour nos vaisseaux.

« Sa sagacité pour nous comprendre était très grande, mais moindre que celle d’un autre insulaire, âgé à peu près de trente ans, qui, voyant que les figures