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LES NAVIGATEURS FRANÇAIS.

plaisaient point. Ces sons, bien filés et très harmonieux, semblaient venir de si loin, que je crus, pendant quelque temps, que les naturels faisaient de la musique au delà de la rade, à près d’un myriamètre de distance du lieu où j’étais. Mon oreille était bien trompée par la distance, car je n’étais pas à cent mètres de l’instrument. C’était un bambou de vingt mètres au moins de hauteur, qui avait été fixé dans une situation verticale sur les bords de la mer. On remarquait entre chaque nœud une fente d’environ trois centimètres de long sur un centimètre et demi de large ; ces fentes formaient autant d’embouchures, qui, lorsque le vent s’y introduisait, rendaient des sons agréables et variés. Comme les nœuds de ce long bambou étaient fort nombreux, on avait eu soin de faire les entailles en différents sens, afin que de quelque côté que le vent soufflât il pût toujours en rencontrer quelques-unes. Je ne puis mieux comparer les sons de cet instrument qu’à ceux de l’harmonica. »

Pendant cette longue relâche d’un mois, les vaisseaux furent calfatés, les gréements visités avec attention, et l’on prit toutes les mesures de précaution usitées pour les voyages dans ces climats humides et brûlants.

Quelques détails sur la rade d’Amboine, les mœurs et les usages de la population indigène, ne sont pas dépourvus d’intérêt.

« La rade d’Amboine, dit La Billardière, forme un canal d’environ deux myriamètres de long sur une largeur moyenne de deux tiers de myriamètre. Ses bords offrent souvent un bon ancrage, et quelquefois, cependant, un fond de corail.

« Le fort, nommé le fort de la Victoire, est construit en briques ; le gouverneur et quelques membres du conseil y ont établi leur résidence. Il tombait alors en ruines, et, lorsqu’on y tirait le canon, il éprouvait toujours quelque dommage très apparent.

« La garnison était composée d’environ deux cents hommes, dont les naturels de l’île formaient le plus grand nombre ; les autres étaient quelques soldats de la compagnie venus d’Europe et un faible détachement du régiment de Wurtemberg…

« Le petit nombre des soldats qui survivent au séjour de l’Inde rend encore plus précieux ceux qui y ont passé quelques années ; aussi la compagnie hollandaise est rarement fidèle aux promesses qu’elle leur fait de les laisser repasser en Europe lorsque leur temps est expiré… J’ai rencontré quelques-uns de ces malheureux qu’on retenait depuis plus de vingt ans, quoique, aux termes des conventions, ils eussent dû être libres depuis longtemps… « Les habitants d’Amboine parlent le malais, langue fort douce et musicale.