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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

Bruce, on voit quarante obélisques, dont pas un seul n’est orné d’hiéroglyphes. Les deux plus beaux sont renversés ; mais un troisième, un peu moins grand que ces deux-là et plus grand que tous les autres, est encore debout. Ils sont tous d’un seul bloc de granit, et, au haut de celui qui est debout, on voit une patère supérieurement sculptée dans le goût grec »

« Après avoir passé le couvent d’Abba-Pantaléon, appelé en Abyssinie Mantillas, et le petit obélisque, qui est situé sur un rocher au-dessus de ce couvent, nous suivîmes un chemin conduisant vers le sud et pratiqué dans une montagne de marbre extrêmement rouge, où nous avions, à gauche, un mur de marbre formant un parapet de cinq pieds de hauteur. De distance en distance, on voit dans cette muraille des piédestaux solides, sur lesquels beaucoup de marques indiquent qu’ils servirent à porter les statues colossales de Sirius, l’aboyant Anubis ou la Canicule. Il y a encore en place cent trente-trois de ces piédestaux avec les marques dont je viens de parler. Mais il n’y reste que deux figures de chien, qui, quoique très mutilées, montrent aisément qu’elles sont sculptées dans le goût égyptien

« Il y a aussi des piédestaux sur lesquels ont été placées des figures de sphinx. Deux magnifiques rangs de degrés en granit, de plusieurs centaines de pieds de long, supérieurement travaillés et encore intacts, sont les seuls restes d’un temple superbe. Dans un coin de la plate-forme où ce temple s’élevait, on voit aujourd’hui la petite église d’Axoum. « Petite, mesquine, fort mal soignée, cette église est remplie de fiente de pigeon. »

C’est près d’Axoum que Bruce vit trois soldats tailler sur une vache vivante le beefsteak qui devait servir à leur dîner.

« Ils laissèrent entière, dit-il très sérieusement, la peau qui recouvrait l’endroit où ils avaient coupé de la chair, et ils la rattachèrent avec quelques petits morceaux de bois qui leur servirent d’épingles. Je ne sais pas s’ils mirent quelque chose entre le cuir et la chair, mais ils recouvrirent bien toute la blessure avec de la boue ; après quoi, ils forcèrent l’animal à se lever et ils le firent marcher devant eux pour qu’il pût leur fournir, sans doute, un nouveau repas le soir, quand ils auraient joint leurs camarades. »

Du Tigré, Bruce passa dans la province de Siré, qui tire son nom de sa capitale, ville plus grande qu’Axoum, mais où règnent continuellement des fièvres putrides. Près de là, coule le Takazzé, l’ancien Siris, aux bords ombragés d’arbres majestueux, aux eaux poissonneuses. Dans la province de Samen, où Bruce fut inquiété par les lions et les hyènes, où de grosses fourmis noires dévorèrent une partie de ses bagages, au milieu des montagnes de Waldubba, pays