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L’ASIE ET SES PEUPLES.

ment toutes ses informations. Il se retira donc au monastère de Mar-Hanna, dans le Liban, pour apprendre l’arabe.

Plus tard, afin de se rendre compte de la vie que mènent les tribus errantes des déserts de l’Arabie, il se lia avec un cheik, s’habitua à porter une lance et à « courir un cheval », et se mit en état d’accompagner les tribus dans leurs courses à travers le désert. C’est grâce à la protection de ces tribus qu’il put visiter les ruines de Palmyre et de Balbeck, villes mortes, dont on ne connaissait guère à cette époque que le nom.

« Son expression, dit Sainte-Beuve, exempte de toute phrase et sobre de couleur, se marque par une singulière propriété et une rigueur parfaite. Quand il nous définit la qualité du sol de l’Égypte et en quoi ce sol se distingue du désert de l’Afrique, de « ce terreau noir, gras et léger », qu’entraîne et que dépose le Nil : quand il nous retrace aussi la nature des vents chauds du désert, leur chaleur sèche dont « l’impression peut se comparer à celle qu’on reçoit de la bouche d’un four banal, au moment qu’on en tire le pain ; » l’aspect inquiétant de l’air dès qu’ils se mettent à souffler ; cet air « qui n’est pas nébuleux mais gris et poudreux et réellement plein d’une poussière très déliée qui ne se dépose pas et pénètre partout ; » le soleil « qui n’offre plus qu’un disque violacé ; » dans toutes ces descriptions, dont il faut voir en place l’ensemble et le détail, Volney atteint à une véritable beauté. — si cette expression est permise, appliquée à une telle rigueur de lignes, — une beauté physique, médicale en quelque sorte, et qui rappelle la touche d’Hippocrate dans son Traité de l’air, des lieux et des eaux. »

Si Volney n’a fait aucune découverte géographique qui ait illustré son nom, nous devons, du moins, reconnaître en lui un des premiers voyageurs qui aient eu la conscience de l’importance de leur tâche. Il a cherché à reproduire l’aspect « vrai » des localités qu’il a visitées, et ce n’est pas un mince mérite, à une époque où aucun explorateur ne se privait d’enjoliver ses récits, sans se douter le moins du monde de la responsabilité qu’il encourait.

Par ses relations de société, par sa situation scientifique, l’abbé Barthélémy, qui devait publier, en 1788, son Voyage du jeune Anacharsis, commençait à exercer une certaine influence et à mettre à la mode la Grèce et les pays circonvoisins. C’est évidemment dans ses leçons que M. de Choiseul avait puisé son goût pour l’histoire et l’archéologie.

Nommé ambassadeur à Constantinople, celui-ci se promit d’employer les loisirs que lui laissaient ses fonctions, à parcourir en archéologue et en artiste, la Grèce d’Homère et d’Hérodote. Ce voyage devait servir à compléter l’éduca-