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LES DEUX AMÉRIQUES.

Condamine. Nous avons raconté plus haut les recherches qui l’avaient conduit en Amérique, et nous avons dit qu’une fois les mesures terminées, il avait laissé Bouguer revenir en Europe, et Jussieu prolonger un séjour qui devait enrichir l’histoire naturelle d’une foule de plantes et d’animaux inconnus, tandis que lui-même allait descendre l’Amazone jusqu’à son embouchure.

« On pourrait appeler La Condamine, dit M. Maury dans son Histoire de l’Académie des Sciences, l’Alexandre de Humboldt du xviiie siècle. À la fois bel esprit et savant de profession, il fit preuve, dans cette mémorable expédition, d’un héroïque dévouement à la science. Les fonds, accordés par le roi pour son voyage, n’ayant pas suffi, il mit cent mille livres de sa bourse ; les fatigues, les souffrances lui firent perdre les jambes et les oreilles. Victime de sa passion pour la science, il ne rencontra, hélas ! à son retour, chez un public qui ne comprenait pas un martyr qui n’aspire pas au ciel, que le sarcasme et la malignité. Ce n’était plus l’infatigable explorateur qui avait bravé tant de dangers qu’on voyait dans M. de La Condamine, mais seulement le distrait et le sourd ennuyeux, ayant toujours à la main son cornet acoustique. Satisfait de l’estime de ses confrères, dont M. de Buffon se fit un jour un si éloquent interprète (réponse au discours de réception de La Condamine l’Académie française), La Condamine se consolait en composant des chansons et poursuivait jusqu’à la tombe, dont la souffrance lui abrégea le chemin, cette ardeur d’observations de toutes choses, même de la douleur, qui le conduisit à interroger le bourreau sur l’échafaud de Damiens. »

Peu de voyageurs, avant La Condamine, avaient eu l’occasion de pénétrer dans les vastes régions du Brésil. Aussi, le savant explorateur espérait-il rendre son voyage utile en levant une carte du cours du fleuve et en recueillant les observations qu’il aurait l’occasion de faire, dans un pays si peu fréquenté, sur les coutumes singulières des Indiens.

Depuis Orellana, dont nous avons raconté la course aventureuse, Pedro de Ursua avait été envoyé, en 1559, par le vice-roi du Pérou, à la recherche du lac Parima et de l’El Dorado. Il périt par la main d’un soldat rebelle, qui commit, en descendant le fleuve, toute sorte de brigandages et finit par être écartelé dans l’île de la Trinité.

De pareilles tentatives n’étaient pas pour donner de grandes lumières sur le cours du fleuve. Les Portugais furent plus heureux. En 1636 et 1637, Pedro Texeira, avec quarante-sept canots et un nombreux détachement d’Espagnols et d’indiens, avait suivi l’Amazone jusqu’à son tributaire, le Napo. Il avait alors remonté celui-ci, puis la Coca, et était arrivé à trente lieues de Quito, qu’il avait