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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

Ce jour-là, une terre fut aperçue dans le nord, et, le lendemain, Carteret la rangea d’assez près pour la reconnaître. Ce n’était qu’un grand rocher de cinq milles de circonférence, couvert d’arbres, qui paraissait inhabité, et que la houle, très violente en cette saison, l’empêcha d’accoster. On l’appela Pitcairn, du nom de celui qui l’avait découverte le premier. Ce fut dans ces parages que les matelots, jusqu’alors en bonne santé, ressentirent les premières atteintes du scorbut.

Le 11, une nouvelle terre fut aperçue par 22° de latitude sud et 141° 34′ de longitude. On lui donna le nom d’Osnabruck, en l’honneur du second fils du roi.

Le lendemain, Carteret expédia un détachement sur deux autres îles, où l’on ne trouva ni végétaux comestibles ni eau. On y prit à la main plusieurs oiseaux, si peu sauvages, qu’ils ne fuyaient pas à l’approche de l’homme.

Toutes ces terres faisaient partie de l’archipel Dangereux, longue chaîne d’îles basses, d’attolls, qui firent le désespoir de tous les navigateurs par le peu de ressources qu’elles leur offraient. Carteret crut reconnaître la terre vue par Quiros ; mais cette dernière, qui porte le nom indigène de Taïti, est située plus au nord.

Cependant, la maladie faisait tous les jours de nouveaux progrès. Les sautes de vent, et, par-dessus tout, les avaries du vaisseau rendant la marche très lente, Carteret jugea nécessaire de prendre la route sur laquelle il avait chance de rencontrer les rafraîchissements et les facilités de réparations dont il avait un si pressant besoin.

« J’avais dessein, dit Carteret, si le vaisseau pouvait être réparé, de poursuivre mon voyage dans le sud au retour de la saison convenable, pour faire de nouvelles découvertes dans cette partie du globe. Je projetais enfin, si je découvrais un continent, et que je pusse y trouver une quantité suffisante de provisions, de me maintenir le long de la côte du sud jusqu’à ce que le soleil eût passé l’équateur, de gagner alors une latitude sud fort avancée et de tirer à l’ouest vers le cap de Bonne-Espérance ou de m’en revenir à l’est, après avoir touché aux îles Falkland, s’il était nécessaire, et de partir promptement de là pour aborder en Europe. »

Ces louables projets, qui dénotent en Carteret le véritable explorateur, plutôt stimulé qu’intimidé par le péril, il allait être dans l’impuissance absolue de les mettre à exécution.

En effet, il ne rencontra l’alizé que par 16°, et le temps continua d’être détestable. Aussi, quoi qu’il naviguât dans le voisinage de l’île du Danger, découverte par Byron en 1765, et de certaines autres, il ne vit aucune terre.

« Nous passâmes probablement, dit-il, près de quelqu’une, que la brume