Quelques minutes après, des pas firent crier le sable de la grève.
Deux hommes, après avoir remonté la passe, se dirigèrent vers la lisière du petit bois, marchant l’un près de l’autre à la clarté d’un fanal.
Qu’allaient-ils faire de ce côté ?… Est-ce que cette crique de Black-Rock était un point de relâche pour l’Épouvante ?… Est-ce que son capitaine avait là un dépôt de provisions ou de matériel ?… Est-ce qu’il venait s’y ravitailler, lorsque les fantaisies de ses aventureux voyages le ramenaient en cette partie du territoire des États-Unis ?… Savait-il donc cet endroit si désert, si infréquenté, qu’il ne devait craindre d’y être jamais aperçu ?…
« Que faire ?… demanda Wells.
— Laisser ces gens revenir, et alors… »
La parole me fut coupée net par la surprise.
Les hommes n’étaient pas à trente pas de nous, lorsque l’un d’eux se retournant, la lumière du fanal qu’il portait tomba en plein sur son visage…
Ce visage, c’était celui d’un des individus qui m’avaient guetté devant ma maison de Long-Street… Je ne pouvais m’y tromper… Je le reconnaissais comme l’aurait reconnu ma vieille servante… C’était lui, c’était bien lui, un des espions dont je n’avais pu retrouver les traces !… À n’en pas douter, la lettre que j’avais reçue venait d’eux, cette lettre dont l’écriture s’identifiait avec celle du Maître du Monde !… comme celle-ci, avait-elle donc été écrite à bord de l’Épouvante !… Il est vrai, les menaces qu’elle renfermait concernaient le Great-Eyry et, une fois de plus, je me demandai quel rapport pouvait exister entre le Great-Eyry et l’Épouvante ?…
En quelques mots, j’eus mis Wells au courant, et, pour toute réponse, il me dit :
« Tout cela est incompréhensible !… »