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maître du monde

Le soir venu, le soleil se coucha sur un horizon d’un rouge sang. La mer brasillait autour de l’Épouvante, qui semblait soulever une nuée d’étincelles sur son passage. Il fallait s’attendre à ce que les matelots appellent « un coup de chien ».

Ce fut, sans doute, l’avis de Robur. Au lieu de rester sur le pont, je dus rentrer dans ma cabine, dont le panneau se referma sur moi.

Quelques instants après, au bruit qui se fit à bord, je compris que l’appareil allait s’immerger. En effet, cinq minutes plus tard, il filait paisiblement entre les profondeurs sous-marines.

Très accablé, autant par la fatigue que par les préoccupations, je tombai dans un profond sommeil, naturel cette fois, — et qui n’avait pas été provoqué par quelque drogue soporifique.

À mon réveil, — après combien d’heures, impossible de m’en rendre compte, — l’Épouvante n’était pas encore remontée à la surface de la mer.

Cette manœuvre ne tarda pas à s’exécuter. La lumière du jour traversa les hublots, en même temps que se prononçaient des mouvements de roulis et de tangage, sous l’influence d’une houle assez forte.

Je pus reprendre place près du panneau, et dirigeai mon premier regard vers l’horizon.

Un orage montait du nord-ouest, des nuages lourds, entre lesquels s’échangeaient de vifs éclairs. Déjà retentissaient les roulements de la foudre, longuement répercutés par les échos de l’espace.

Je fus surpris — plus que surpris — effrayé de la rapidité avec laquelle cet orage gagnait vers le zénith. C’est à peine si un bâtiment aurait eu le temps d’amener sa voilure pour éviter d’engager, tant l’assaut fut aussi prompt que brutal.

Soudain, le vent se déchaîna avec une impétuosité inouïe,