Page:Verne - Maître du monde, Hetzel, 1904.djvu/229

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
209
au nom de la loi ! ...

comme s’il eût crevé cette barrière de vapeur. En un instant, se souleva une mer effroyable. Les lames échevelées, déferlant sur toute leur longueur, couvrirent en grand l’Épouvante. Si je ne me fusse solidement accroché à la rambarde, je passais par-dessus bord.

Il n’y avait qu’un seul parti à prendre, transformer l’appareil en sous-marin. Il retrouverait la sécurité et le calme à quelque dizaine de pieds sous les eaux. Braver plus longtemps les fureurs de cette mer démontée, c’eût été se perdre…

Robur se tenait sur le pont, où j’attendais l’ordre de rentrer dans ma cabine. Cet ordre ne fut pas donné. On ne fit même aucun préparatif pour l’immersion.

L’œil plus ardent que jamais, impassible devant cet orage, le capitaine le regardait bien en face, comme pour le défier, sachant qu’il n’avait rien à craindre de lui. Encore fallait-il que l’Épouvante plongeât sans perdre une minute, et Robur ne semblait pas décidé à cette manœuvre.

Non ! il conservait son attitude hautaine, en homme qui, dans son intraitable orgueil, se croyait au-dessus ou en dehors de l’humanité !… À le voir ainsi, je me demandais, non sans effroi, si cet homme n’était pas un être fantastique, échappé du monde surnaturel !…

Alors, voici les mots qui sortirent de sa bouche, et qui s’entendaient au milieu des sifflements de la tempête et des fracas de la foudre !

« Moi… Robur… Robur… Maître du Monde !… »

Il fit un geste, que Turner et son compagnon comprirent… C’était un ordre, et, sans une hésitation, ces malheureux, aussi fous que leur capitaine, l’exécutèrent.

Ses grandes ailes déployées, l’aviateur s’enleva comme il s’était enlevé au-dessus des chutes du Niagara. Mais, ce jour-là, s’il avait évité les tourbillons de la cataracte, cette fois, ce