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mathias sandorf.

Cet abîme, c’est le Buco, comme on dit dans le pays. Il sert de récipient au trop plein d’une rivière qui s’appelle la Foïba. Cette rivière ne trouve d’issue que par une caverne qu’elle s’est creusée peu à peu à travers les roches, et dans laquelle elle s’engouffre avec l’impétuosité d’un raz ou d’un mascaret. Où va-t-elle ainsi en passant sous la ville ? On l’ignore. Où reparaît-elle ? On ne sait. De cette caverne, ou plutôt de ce canal, foré dans le schiste et l’argile, on ne connaît ni la longueur, ni la hauteur, ni la direction. Qui peut dire si les eaux ne s’y heurtent pas à quelques centaines d’angles, à quelque forêt de piliers, qui supportent avec l’énorme substruction la forteresse et la cité tout entière. Déjà, de hardis explorateurs, lorsque l’étiage ni trop haut ni trop bas permettait d’employer une embarcation légère, avaient tenté de descendre le cours de la Foïba à travers ce sombre boyau ; mais l’abaissement des voûtes leur avait bientôt opposé un infranchissable obstacle. En réalité, on ne savait rien de l’état de cette rivière souterraine. Peut-être s’abîmait-elle en quelque « perte », creusée au-dessous du niveau de l’Adriatique.

Tel était donc ce Buco, dont le comte Sandorf ne connaissait même pas l’existence. Or, comme une évasion ne pouvait se faire que par l’unique