Page:Verne - Mathias Sandorf, Hetzel, 1885, tome 1.djvu/287

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

279
le docteur antékirtt.

— Et Cap Matifou ?

— Oh ! Cap Matifou est plus grave, plus réfléchi, plus en dedans ! répondit Pointe Pescade en donnant à son compagnon une bonne petite tape d’amitié, comme on fait à l’encolure d’un cheval que l’on caresse. C’est aussi le métier qui veut cela ! Quand on jongle avec des poids de cinquante, il faut être très sérieux ! Quand on lutte, c’est non seulement avec les bras, c’est avec la tête ! Et Cap Matifou a toujours lutté… même contre la misère ! Et elle ne l’a pas encore tombé ! »

Le docteur Antékirtt écoutait avec intérêt ce brave petit être, pour qui la destinée avait été si dure jusqu’alors et qui ne récriminait point contre elle. Il sentait en lui au moins autant de cœur que d’intelligence et songeait à ce qu’il aurait pu devenir, si les moyens matériels ne lui eussent pas manqué dès le début de la vie.

« Et où allez-vous maintenant ? lui demanda-t-il.

— Devant nous, au hasard, répondit Pointe Pescade. Mais ce n’est pas toujours un mauvais guide, le hasard, et, en général, il connaît les chemins. Seulement, je crains qu’il ne nous ait entraînés trop loin de notre pays, cette fois ! Après tout, c’est notre faute ! Nous aurions, d’abord, dû lui demander où il allait ! »