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mathias sandorf.

droiture, et, en de certains moments, son inflexibilité, pouvaient expliquer cette forme étrange de l’amour maternel. Cependant la jeune fille lui rendait affection pour affection. Même sans le lien du sang, toutes deux eussent été étroitement attachées l’une à l’autre.

On ne s’étonnera donc pas que Mme Toronthal eût été la première à deviner ce qui se passait dans l’esprit, puis dans le cœur de Sava. Souvent la jeune fille lui avait parlé de Pierre Bathory et de sa famille, sans remarquer l’impression douloureuse que ce nom produisait sur sa mère. Aussi, quand Mme Toronthal eut reconnu que Sava aimait ce jeune homme :

« Dieu le voudrait donc ! » murmura-t-elle.

Ce que signifiaient ces paroles dans la bouche de Mme Toronthal, on le devine ; mais ce qu’on ne peut savoir encore, c’est à quel point l’amour de Sava pour Pierre eût été comme une juste réparation du mal fait à la famille Bathory.

Cependant, si Mme Toronthal pouvait penser que cela entrait dans les desseins de la Providence, elle, dont l’âme était pieuse et croyante, il eût fallu que son mari consentît à ce rapprochement des deux familles. Aussi sans en rien dire à Sava, résolut-elle de le pressentir à ce sujet.