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complications.

Vis-à-vis de son père, Sava s’était toujours tenue sur une extrême réserve. Jamais une effusion de cœur de la part du banquier, jamais une caresse de la part de sa fille. Que ce fût sécheresse d’âme chez l’un, chez l’autre cet éloignement provenait d’un désaccord en toutes choses. Sava avait pour Silas Toronthal le respect qu’une fille doit à son père, — rien de plus. Du reste, il la laissait libre d’agir, il ne la contrariait point dans ses goûts, il ne limitait pas ses œuvres de charité, dont son ostentation naturelle s’accommodait volontiers. En somme, pour lui, c’était indifférence. Pour elle, il faut l’avouer, c’était plutôt antipathie, presque répulsion.

À l’égard de Mme Toronthal, Sava éprouvait un tout autre sentiment. Si la femme du banquier subissait la domination de son mari, qui lui montrait peu de déférence, elle était bonne, du moins, elle valait mille fois mieux que lui par l’honnêteté de sa vie, par le soin de sa dignité personnelle. Mme Toronthal aimait profondément Sava. Sous la réserve de la jeune fille, elle avait su découvrir les qualités les plus sérieuses. Mais cette affection qu’elle ressentait, était quasi exaltée, mêlée d’une sorte d’admiration, de respect et même d’un peu de crainte. L’élévation du caractère de Sava, sa