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mathias sandorf.

nuit. Il l’entendit dans son délire répéter le nom de Sava Toronthal. Il comprit combien son amour était profond, et quelle torture le mariage de celle qu’il aimait devait lui infliger. Il en vint à se demander si cet amour ne résisterait pas à tout, même quand Pierre apprendrait que Sava était la fille de l’homme qui avait livré, vendu, tué son père. Le docteur le lui dirait, cependant. Il y était résolu. C’était son devoir.

Vingt fois, on put croire que Pierre Bathory allait succomber. Doublement atteint au moral et au physique, il fut si près de la mort qu’il ne reconnaissait plus le comte Mathias Sandorf à son chevet ! Il n’avait même plus la force de prononcer le nom de Sava !

Cependant les soins l’emportèrent et la réaction se fit. La jeunesse reprit le dessus. Le malade allait guérir du corps, bien avant de guérir de l’âme. Sa blessure commença à se cicatriser, ses poumons reprirent leur fonctionnement normal, et, vers le 17 juillet, le docteur eut l’assurance que Pierre serait sauvé.

Ce jour-là, le jeune homme le reconnut. D’une voix bien faible encore, il put l’appeler de son vrai nom.

« Pour toi, mon fils, je suis Mathias Sandorf, lui répondit-il, mais pour toi seul ! »