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le passé et le présent.

« Cependant, bien que je ne voulusse rien sentir de la fatigue, mes bras devenaient lourds, mes jambes pesantes. Déjà mes doigts s’entrouvraient, et je ne parvenais que très difficilement à tenir mes mains fermées. Ma tête me pesait comme si j’eusse eu un boulet attaché aux épaules, et je commençais à ne plus pouvoir la maintenir hors de l’eau.

« Une sorte d’hallucination m’envahit alors. La direction de mes pensées m’échappa. D’étranges associations d’idées se firent dans mon cerveau troublé. Je sentis que je ne pourrais plus voir ni entendre qu’imparfaitement, soit un bruit qui se produirait à quelque distance de moi, soit une lumière, si je me trouvais tout à coup dans sa portée. Et ce fut précisément ce qui arriva.

« Il devait être environ minuit, quand il se fit un grondement sourd et lointain dans l’est, — grondement dont je n’aurais pu reconnaître la nature. Un éclat traversa mes paupières qui se fermaient malgré moi. J’essayai de redresser la tête, et je n’y parvins qu’en me laissant immerger à demi. Puis, je regardai.

« Je te donne tous ces détails, Pierre, parce qu’il faut que tu les connaisses et que, par là, tu me connaisses aussi !