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le passé et le présent.

deux minutes il devait avoir coupé la place où je restais immobile.

« Que ce steamer fût autrichien, je n’en doutais pas. Mais il n’y avait rien d’impossible à ce qu’il fût à destination de Brindisi et d’Otrante, ou du moins qu’il y fît escale. Or, si cela était, il devrait y arriver en moins de vingt-quatre heures.

« Mon parti fut pris : j’attendis. Sûr de n’être point aperçu au milieu de l’obscurité, je me maintins dans la direction suivie par cette énorme masse, dont la marche était très modérée alors, et que balançait à peine le roulement de la houle.

« Enfin le steamer arriva sur moi, dominant la mer de toute son étrave, à plus de vingt pieds de hauteur. Je fus englobé dans l’écume de l’avant, mais non heurté. La longue coque de fer me frôla, et je m’écartai vigoureusement de la main. Cela dura quelques secondes à peine. Puis, quand je vis se dessiner les façons relevées de l’arrière, au risque d’être broyé par l’hélice, je m’accrochai au gouvernail.

« Heureusement, le steamer était en pleine charge, et son hélice, profondément immergée, ne battait pas l’eau à sa surface, car je n’aurais pu me dégager de ce tourbillon ni retenir le point d’appui auquel je m’étais cramponné. Mais, comme cela