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mathias sandorf.

formes allongées, son manque de largeur, son peu de tirant d’eau, sa voilure généralement insuffisante, n’est pas fait pour naviguer contre le vent ou biaiser avec lui. S’il lui faut courir au plus près, pour peu que la mer soit dure, il risque de manquer ses virages et de se mettre au plein.

C’est ce qui menaçait le Ferrato. Outre qu’il éprouvait de réelles difficultés à faire de la toile, il lui était impossible de revenir dans l’ouest contre le vent. Peu à peu, poussé vers le pied des falaises, il semblait n’avoir plus qu’à choisir l’endroit où il ferait côte dans les moins mauvaises conditions. Malheureusement, par cette nuit profonde, le capitaine Köstrik ne pouvait rien reconnaître de la disposition du littoral. Il savait bien que deux canaux séparent l’île Gozzo de l’île de Malte, de chaque côté d’un îlot central, l’un le North Comino, l’autre le South Comino. Mais de trouver leur ouverture au milieu de ces ténèbres, de s’y lancer à travers cette mer furieuse pour aller chercher l’abri de la côte orientale de l’île et peut-être atteindre le port de La Vallette, était-ce possible ? Un pilote, un pratique, eussent seuls pu tenter une si périlleuse manœuvre. Et dans cette sombre atmosphère, par cette nuit de pluie et de brumailles, quel pêcheur se fût hasardé à venir jusqu’au navire en perdition ?