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mathias sandorf.

mère l’avait soutenu de ses conseils, entouré de ses soins, pendant ce temps d’épreuves. Elle possédait toutes les vertus de la femme, comme votre père a eu toutes les vertus de l’homme. Vous me pardonnerez, monsieur Pierre, de vous rappeler ces douloureux souvenirs, et, si je l’ai fait, c’est que vous n’êtes point de ceux qui les peuvent oublier !

— Non, monsieur, non ! répondit le jeune homme avec l’enthousiasme débordant de son âge, pas plus que la Hongrie n’oubliera jamais les trois hommes qui se sont sacrifiés pour elle, Ladislas Zathmar, Étienne Bathory, et le plus audacieux peut-être, le comte Mathias Sandorf !

— S’il fut le plus audacieux, répondit le docteur, croyez que ses deux amis ne lui furent inférieurs ni en dévouement, ni en sacrifices, ni en courage ! Tous trois ont droit au même respect ! Tous trois ont le même droit à être vengés… »

Le docteur s’arrêta. Il se demandait si Mme Bathory avait fait connaître à Pierre les circonstances dans lesquelles les chefs de la conspiration avaient été livrés, si elle avait prononcé devant lui ce mot de trahison ?… Mais le jeune homme ne le releva pas.

En réalité, Mme Bathory s’était tue à ce sujet. Sans doute, elle n’avait pas voulu mettre cette haine dans la vie de son fils et le lancer peut-être