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mathias sandorf.

Le docteur était-il homme à entreprendre une lutte sans merci contre cette fatalité ? Se sentait-il la puissance de disposer à son gré des choses humaines ? Cette force, cette énergie morale qu’il faut pour mater la destinée, ne lui manquerait-elle pas ?

« Non ! je lutterai ! s’écria-t-il. Un tel amour est odieux, criminel ! Que Pierre Bathory, devenu le mari de la fille de Silas Toronthal, apprenne un jour la vérité, il ne pourrait même plus venger son père ! Il n’aurait plus qu’à se tuer de désespoir ! Aussi je lui dirai tout, s’il le faut !… Je lui dirai ce que cette famille a fait à la sienne !… Cet amour, n’importe comment, je le briserai ! »

En effet, une telle union eût été monstrueuse.

On ne l’a pas oublié : dans sa conversation avec Mme Bathory, le docteur Antékirtt avait raconté que les trois chefs de la conspiration de Trieste avaient été victimes d’une machination abominable, qui s’était révélée au cours des débats, et qu’une indiscrétion d’un des gardiens du donjon de Pisino lui avait fait connaître.

On sait encore que Mme Bathory, et pour certaines raisons, n’avait encore rien dit de cette trahison à son fils. D’ailleurs, elle n’en connaissait pas les auteurs. Elle ignorait que l’un d’eux, riche et