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les bouches de cattaro.

docteur, après l’aveu qu’il lui avait fait, il s’était senti plus confiant. Pourquoi, maintenant, eût-il caché à sa mère quoi que ce fût de l’entretien qu’il venait d’avoir à bord de la Savarèna ? N’aurait-elle pas lu dans son regard et jusque dans son âme ? N’eût-elle pas compris qu’un changement venait de se faire en lui, que le chagrin, le désespoir avaient fait place à l’espérance et au bonheur ?

Pierre Bathory avoua donc tout à sa mère. Il lui dit quelle était cette jeune fille qu’il aimait, comment c’était pour elle qu’il avait refusé de quitter Raguse. Peu importait sa situation à lui ! Le docteur Antékirtt ne lui avait-il pas dit d’espérer !

« Voilà donc pourquoi tu souffrais tant, mon enfant ! répondit Mme Bathory. Que Dieu te vienne en aide, et qu’il reporte sur toi tout le bonheur qui nous a manqué jusqu’ici ! »

Mme Bathory vivait très retirée dans sa maison de la rue Marinella. Elle n’en sortait que pour aller à la messe avec son vieux serviteur, lorsqu’elle accomplissait ses devoirs religieux avec cette piété pratiquante et austère des Hongroises catholiques. Elle n’avait jamais entendu parler de la famille Toronthal. Jamais son regard ne s’était même levé sur cet hôtel, devant lequel elle passait, quand elle se rendait à l’église du Rédempteur, qui