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les bouches de cattaro.

Cependant Sarcany et l’étrangère continuaient à suivre l’enceinte de la ville, sans s’apercevoir qu’ils étaient épiés et suivis. Ils ne se parlaient pas encore. Ils ne voulaient le faire, sans doute, que dans quelque endroit où ils savaient trouver un abri sûr. Ils arrivèrent ainsi près de la Porte du Midi, ouverte sur la route qui conduit de Cattaro aux montagnes de la frontière autrichienne.

Là est un marché important, un bazar bien connu des Monténégrins. C’est en ce lieu qu’ils trafiquent, connu car on ne les laisse entrer dans la ville qu’en nombre très restreint, après les avoir obligés à déposer leurs armes. Le mardi, le jeudi, le samedi de chaque semaine, ces montagnards viennent de Niegous ou de Cettigné, ayant fait cinq ou six heures de marche pour apporter des œufs, des pommes de terre, de la volaille et même des fagots dont le débit est considérable.

Or, ce jour était précisément un mardi. Quelques groupes, dont les opérations n’avaient fini que fort tard, étaient restés dans ce bazar, afin d’y passer la nuit. Il y avait là une trentaine de montagnards, allant, venant, causant, discutant, disputant, les uns déjà étendus sur le sol pour dormir, les autres faisant cuire, devant un feu de charbons, un petit mouton enfilé d’une broche de bois, à la mode albanaise.