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la veuve d’étienne bathory.

pour vagabonder en pleine fantaisie. Le docteur Antékirtt devint tout ce qu’on voulut. Il avait été tout ce qu’il leur plut d’inventer, à ces chroniqueurs aux abois. Pour les uns, c’était un chef de pirates. Pour les autres, roi d’un vaste empire africain, il voyageait incognito dans le but de s’instruire. Ceux-ci affirmaient que c’était un exilé politique, ceux-là, qu’une révolution l’ayant chassé de ses États, il parcourait le monde en philosophe et en curieux. On pouvait choisir. Quant à ce titre de docteur, dont il se parait, ceux qui voulurent bien l’admettre se divisèrent : dans l’opinion des uns, c’était un grand médecin, qui avait fait d’admirables cures en des cas désespérés ; dans l’opinion des autres, c’était le roi des charlatans, et il eût été fort empêché de montrer ses brevets ou diplômes !

En tout cas, les médecins de Gravosa et de Raguse n’eurent point à le poursuivre pour exercice illégal de la médecine. Le docteur Antékirtt se tint constamment sur une extrême réserve, et, quand on voulut lui faire l’honneur de le consulter, il se déroba toujours.

D’ailleurs, le propriétaire de la Savarèna ne prit point appartement à terre. Il ne descendit même pas dans un des hôtels de la ville. Pendant les