Page:Verne - Michel Strogoff - Un drame au Mexique, 1905.djvu/117

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Jolivet échangeaient entre eux. Il songeait à cette troupe de bohémiens, à ce vieux tsigane dont il n’avait pu voir le visage, à la femme étrange qui l’accompagnait, au singulier regard qu’elle avait jeté sur lui, et il cherchait à rassembler dans son esprit tous les détails de cette rencontre, lorsqu’une détonation se fit entendre à une courte distance.

« Ah ! messieurs, en avant ! s’écria Michel Strogoff.

— Tiens ! pour un digne négociant qui fuit les coups de feu, se dit Alcide Jolivet, il court bien vite à l’endroit où ils éclatent ! »

Et, suivi d’Harry Blount, qui n’était pas homme à rester en arrière, il se précipita sur les pas de Michel Strogoff.

Quelques instants après, tous trois étaient en face du saillant qui abritait le tarentass au tournant du chemin.

Le bouquet de pins allumé par la foudre brûlait, encore. La route était déserte. Cependant, Michel Strogoff n’avait pu se tromper. Le bruit d’une arme à feu était bien arrivé jusqu’à lui.

Soudain, un formidable grognement se fit entendre, et une seconde détonation éclata au delà du talus.

« Un ours ! s’écria Michel Strogoff, qui ne pouvait se méprendre à ce grognement. Nadia ! Nadia ! »

Et, tirant son coutelas de sa ceinture, Michel Strogoff s’élança par un bond formidable et tourna le contrefort derrière lequel la jeune fille avait promis de l’attendre.

Les pins, alors dévorés par les flammes du tronc à la cime, éclairaient largement la scène.

Au moment où Michel Strogoff atteignit le tarentass, une masse énorme recula jusqu’à lui.

C’était un ours de grande taille. La tempête l’avait chassé des bois qui hérissaient ce talus de l’Oural, et il était venu chercher refuge dans cette excavation, sa retraite habituelle, sans doute, que Nadia occupait alors.

Deux des chevaux, effrayés de la présence de l’énorme animal, brisant leurs traits, avaient pris la fuite, et l’iemschik, ne pensant qu’à ses bêtes, oubliant que la jeune fille allait rester seule en présence de l’ours, s’était jeté à leur poursuite.

La courageuse Nadia n’avait pas perdu la tête. L’animal, qui ne l’avait pas vue tout d’abord, s’était attaqué à l’autre cheval de l’attelage. Nadia, quittant alors l’anfractuosité dans laquelle elle s’était blottie, avait couru à la voiture,