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Page:Verne - Mirifiques aventures de Maître Antifer, 1894.djvu/189

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s’en tenir. Au moins pourrait-on discuter, et, à force de discussions, faire entendre raison à cet oncle terrible, au lieu de le laisser mariner dans son jus.

« Voyons, mon ami, dit-il, en arrondissant le dos, supposons que tu les aies, ces millions…

— Supposons, gabarier ?… Et pourquoi supposer ?…

— Eh bien, prenons que tu les aies… Un brave homme comme toi, habitué à une vie modeste, qu’en feras-tu ?

— Ce qui me plaira, répondit sèchement maître Antifer.

— Tu ne vas pas acheter tout Saint-Malo, j’imagine…

— Tout Saint-Malo, et tout Saint-Servan, et tout Dinard, si cela me convient, et même ce ridicule ruisseau de la Rance, qui n’a d’eau que lorsque la marée veut bien lui en apporter ! »

Il savait qu’en insultant la Rance, il piquait au vif un homme qui avait remonté et redescendu cette charmante rivière pendant vingt ans de son existence.

« Soit ! répliqua Gildas Trégomain, les lèvres pincées. Mais tu n’en mangeras pas un morceau de plus, tu n’en boiras pas un coup