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l’île browse.

« Ce n’est point un navire anglais qui s’est mis au plein sur cette île, dit le capitaine Ellis, c’est un navire des États-Unis…

— Et l’on pourrait même affirmer qu’il a été construit dans un de nos ports du Pacifique ! » répondit Zach Fren, dont l’opinion fut partagée par les deux matelots.

Toutefois, rien jusqu’ici ne permettait de croire que ce navire eût été le Franklin.

En tout cas, une question se posait : ce bâtiment, quel qu’il fût, avait-il donc sombré en mer, puisqu’on ne retrouvait ni les couples ni les bordages de sa coque ? Était-ce à bord de ses embarcations que l’équipage avait pu se réfugier sur l’île Browse ?

Non ! et le capitaine Ellis acquit bientôt la preuve matérielle que le naufrage avait eu lieu sur ces récifs.

À une encablure environ de la grève, au milieu d’un amoncellement de roches aiguës et d’écueils à fleur d’eau, apparut ce lamentable enchevêtrement d’un bâtiment qui s’est jeté à la côte, alors que la mer est démontée, que les lames se précipitent avec la violence d’un mascaret, et qu’en un instant, bois ou fer, tout est démembré, démoli, dispersé, fracassé, emporté par le ressac jusque par-dessus les écueils.

Le capitaine Ellis, Zach Fren, les deux matelots regardaient, non sans une émotion profonde, ce que les roches gardaient encore d’un tel désastre. De la coque de ce navire, il ne restait que des courbes déformées, des bordages déchiquetés et hérissés de chevilles rompues, des barreaux faussés, un morceau de safre du gouvernail, plusieurs virures du pont, mais rien de l’acastillage extérieur, rien de la mâture, soit qu’elle eût été coupée en mer, soit que, depuis l’échouage du bâtiment, on l’eût employée aux besoins de l’installation sur l’île. Il n’y avait pas une pièce de la membrure qui fût intacte, pas une pièce de la quille qui fût entière. Au milieu de ces rochers aux arêtes coupantes, disposés comme des chevaux de frise, on s’expliquait que ce navire eût été broyé à ce point que ses débris n’eussent pu être utilisés.