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mistress branican.

pourvu en abondance d’eau, étaient destinés au lavage des animaux avant l’opération de la tonte. En face s’élevaient des hangars, où le squatter rangeait les ballots de laine qu’il devait expédier par convois sur le port d’Adélaïde.

À cette époque, cette opération de la tonte battait son plein au run de Waldek-Hill. Depuis plusieurs jours, une troupe de tondeurs nomades, ainsi que cela a lieu d’habitude, était venue y exercer sa lucrative industrie.

Lorsque Mrs. Branican, accompagnée de Zach Fren, eut franchi les barrières, elle fut frappée de l’étonnante animation qui régnait dans l’enclos. Les ouvriers, travaillant à leur pièce, ne perdaient pas un moment, et, comme les plus adroits peuvent dépouiller de leur toison une centaine de moutons par jour, ils s’assurent ainsi un gain qui peut s’élever à une livre. Le grincement des larges ciseaux entre les mains du tondeur, les bêlements des bêtes, lorsqu’elles recevaient quelque coup mal dirigé, les appels des hommes entre eux, l’allée et venue des ouvriers chargés d’enlever la laine pour la transporter sous les hangars, cela était curieux à observer. Et, au-dessus de ce brouhaha, dominaient les clameurs de petits garçons criant : « tar !… tar ! » lorsqu’ils apportaient des jattes de goudron liquide, afin de panser les blessures produites par les tondeurs trop maladroits.

À tout ce monde il faut des surveillants, si l’on veut que le travail s’accomplisse dans de bonnes conditions. Aussi s’en trouvait-il quelques-uns au run de Waldek-Hill, indépendamment des employés du bureau de la comptabilité, c’est-à-dire une douzaine d’hommes et de femmes, qui obtenaient là le moyen de vivre.

Et quelle fut la surprise de Mrs. Branican — plus que de la surprise, de la stupéfaction, — lorsqu’elle entendit son nom prononcé à quelques pas derrière elle.

Une femme venait d’accourir. Elle s’était jetée à ses genoux, les mains tendues, le regard suppliant…

C’était Jane Burker — Jane moins vieillie par les années que par la