Page:Verne - Mistress Branican, Hetzel, 1891.djvu/359

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
330
mistress branican.

en 1872, et qui coupait celle de Stuart à vingt-cinq milles au nord d’Alice-Spring.

Les chameaux ne marchaient qu’à petite allure sur ces terrains très accidentés. De rares filets de creeks les arrosaient çà et là. Les gens pouvaient y trouver à l’abri des arbres une eau courante, assez fraîche, et dont les bêtes faisaient provision pour plusieurs heures.

En longeant ces halliers clairsemés, les chasseurs de la caravane, chargés de l’approvisionner de venaison, purent abattre diverses pièces de gibier d’espèce comestibles, — entre autres des lapins.

On n’ignore pas que le lapin est à l’Australie ce que la sauterelle est à l’Afrique. Ces trop prolifiques rongeurs finiront par tout ronger, si l’on n’y prend garde. Jusqu’alors, le personnel de la caravane les avait un peu dédaignés au point de vue alimentaire, parce que ce qui constitue le vrai gibier abondait dans les plaines et les forêts de l’Australie méridionale. Il serait toujours temps de se rassasier de cette chair un peu fade, lorsque les lièvres, les perdrix, les outardes, les canards, les pigeons et autres bêtes de poil et de plume feraient défaut. Mais, sur cette région riveraine des Mac-Donnell-Ranges, il fallait bien se contenter de ce que l’on trouvait, c’est-à-dire des lapins qui pullulaient à sa surface.

Et, à propos, dans la soirée du 31 octobre, Godfrey, Jos Meritt et Zach Fren étant réunis, la conversation tomba sur cette engeance qu’il est urgent de détruire. Et Godfrey ayant demandé s’il y avait toujours eu des lapins en Australie :

« Non, mon garçon, répondit Tom Marix. Leur importation ne remonte qu’à une trentaine d’années. Un joli cadeau qu’on nous a fait là ! Ces animaux se sont tellement multipliés qu’ils dévastent nos campagnes. Certains districts en sont infestés à ce point qu’on ne peut plus y élever ni moutons ni bestiaux. Les champs sont troués par les terriers comme une écumoire, et l’herbe y est rongée jusqu’à la racine. C’est une ruine absolue, et je finis par croire que