ce ne sont pas les colons qui mangeront les lapins, mais les lapins qui mangeront les colons.
— N’a-t-on pas employé des moyens puissants pour s’en délivrer ? fit observer Zach Fren.
— Disons des moyens impuissants, répondit Tom Marix, puisque leur quantité augmente au lieu de diminuer. Je connais un propriétaire, qui a dû affecter quarante mille livres[1] à la destruction des lapins qui ravageaient son run. Le gouvernement a mis leur tête à prix, comme on fait pour les tigres et les serpents dans l’Inde anglaise. Bah ! semblables à celles de l’hydre, les têtes repoussent à mesure qu’on les coupe et même en plus grand nombre. On a fait usage de la strychnine, qui en a empoisonné par centaines de mille, ce qui a failli donner la peste au pays. Rien n’a réussi.
— N’ai-je pas entendu dire, demanda Godfrey, qu’un savant français, M. Pasteur, avait proposé de détruire ces rongeurs en leur donnant le choléra des poules ?
— Oui, et peut-être le moyen serait-il efficace ? Mais il aurait fallu… l’employer, et il ne l’a pas été, bien qu’une prime de vingt mille livres ait été offerte dans ce but. Aussi le Queensland et la Nouvelle-Galles du Sud viennent-ils d’établir un grillage long de huit cents milles, afin de protéger l’est du continent contre l’invasion des lapins. C’est une véritable calamité.
— Bien !… Oh !… Très bien ! Véritable calamité… repartit Jos Meritt, de même que les types de la race jaune, qui finiront par envahir les cinq parties du monde. Les Chinois sont les lapins de l’avenir. »
Heureusement Gîn-Ghi n’était pas là, car il n’eût pas laissé passer sans protestation cette comparaison offensante à l’égard des Célestes. Ou, tout au moins, aurait-il haussé les épaules en riant de ce rire particulier à sa race et qui n’est qu’une longue et bruyante aspiration.
« Ainsi, dit Zach Fren, les Australiens renonceraient à continuer la lutte ?…
- ↑ Un million de francs.