Page:Verne - Mistress Branican, Hetzel, 1891.djvu/441

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
406
mistress branican.

ferme croyance que leurs ennemis peuvent les faire périr par sortilèges, ils se hâtent de les tuer, – ce qui, joint aux habitudes de cannibalisme, soumet ces contrées à un régime de destruction sans limites.

On notera, en passant, que les Australiens ont le respect des morts. Ils ne les mettent point en contact avec la terre ; ils entourent les corps de bandelettes de feuillage ou d’écorce, et les déposent dans des fosses peu profondes, les pieds tournés vers le levant, à moins qu’ils ne les enterrent debout, ainsi que cela se pratique chez certaines tribus. La tombe d’un chef est alors recouverte d’une hutte, dont l’entrée est orientée vers l’est. Il faut aussi ajouter que, parmi les moins sauvages, on relève cette croyance bizarre : c’est que les morts doivent renaître sous la forme d’hommes blancs, et, suivant l’observation de Carl Lumholtz, la langue du pays emploie le même mot pour désigner « l’esprit et l’homme de couleur blanche ». Selon une autre superstition indigène, les animaux auraient été antérieurement des créatures humaines — ce qui est de la métempsycose à rebours.

Telles sont ces tribus du continent australien, destinées sans doute à disparaître un jour comme ont disparu les habitants de la Tasmanie. Tels étaient ces Indas, entre les mains desquels étaient tombés John Branican et Harry Felton.

Après la mort du matelot, John Branican et Harry Felton avaient dû suivre les Indas dans leurs pérégrinations continues au milieu des régions du centre et du nord-ouest. Tantôt attaquant les tribus hostiles, tantôt attaqués par elles, ils obtenaient une incontestable supériorité sur leurs ennemis, grâce à ces conseils de leurs prisonniers dont Willi tenait bon compte. Des centaines de milles furent franchis depuis le Golfe du Roi jusqu’au golfe de Van Diemen, entre la vallée de la Fitz-Roy river et la vallée de la Victoria, et jusqu’aux plaines de la Terre Alexandra. C’est ainsi que le capitaine John et son second traversèrent ces contrées inconnues des géographes, restées en blanc sur les cartes modernes, dans l’est de la Terre de