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nord contre sud.

fut un indescriptible enthousiasme, qui se produisit avec d’autant plus d’énergie qu’il n’était point préparé. On juge si Pygmalion gesticulait, pérorait, prenait des attitudes.

Alors, un vieux noir, le doyen du personnel, s’avança jusque sur les premières marches du perron. Là, il redressa la tête, et d’une voix profondément émue :

« Au nom des anciens esclaves de Camdless-Bay, libres désormais, dit-il, soyez remercié, monsieur Burbank, pour nous avoir fait entendre les premières paroles d’affranchissement qui aient été prononcées dans l’État de Floride ! »

Tout en parlant, le vieux nègre venait de monter lentement les degrés du perron. Arrivé auprès de James Burbank, il lui avait baisé les mains, et, comme la petite Dy lui tendait les bras, il la présenta à ses camarades.

« Hurrah !… Hurrah pour monsieur Burbank ! »

Ces cris retentirent joyeusement dans l’air et durent porter jusqu’à Jacksonville, sur l’autre rive du Saint-John, la nouvelle du grand acte qui venait d’être accompli.

La famille de James Burbank était profondément émue. Vainement essaya-t-elle de calmer ces marques d’enthousiasme. Ce fut Zermah qui parvint à les apaiser, lorsqu’on la vit s’élancer vers le perron pour prendre la parole à son tour.

« Mes amis, dit-elle, nous voilà tous libres maintenant, grâce à la générosité, à l’humanité de celui qui fut notre maître, et le meilleur des maîtres !

— Oui !… oui !… crièrent ces centaines de voix, confondues dans le même élan de reconnaissance.

— Chacun de nous peut donc dorénavant disposer de sa personne, reprit Zermah. Chacun peut quitter la plantation, faire acte de liberté suivant que son intérêt le commande. Quant à moi, je ne suivrai que l’instinct de mon cœur, et je suis certaine que la plupart d’entre vous feront ce que je vais faire moi-même. Depuis six ans, je suis entré à Camdless-Bay. Mon mari et moi, nous y avons vécu, et nous désirons y finir notre vie. Je