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Page:Verne - Nord contre sud, Hetzel, 1887.djvu/120

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nord contre sud.

le renversement des autorités si compromises, il avait mis à leur place les plus avancés de son parti, il en avait formé un comité où les petits blancs se partageaient le pouvoir avec les Floridiens d’origine espagnole, il s’était assuré le concours de la milice, travaillée depuis longtemps déjà, et qui fraternisait avec la populace. Maintenant, le sort des habitants de tout le comté était entre ses mains.

Il faut le dire, la conduite de James Burbank n’avait trouvé aucune approbation chez la plupart des colons dont les établissements bordent les deux rives du Saint-John. Ceux-ci pouvaient craindre que leurs esclaves voulussent les obliger à suivre son exemple. Le plus grand nombre des planteurs, partisans de l’esclavage, résolus à lutter contre les prétentions des Unionistes, voyaient avec une extrême irritation la marche des armées fédérales. Aussi prétendaient-ils que la Floride résistât comme résistaient encore les États du Sud. Si, dans le début de la guerre, cette question d’affranchissement n’avait peut-être excité que leur indifférence, ils s’empressaient à présent de se ranger sous le drapeau de Jefferson Davis. Ils étaient prêts à seconder les efforts des rebelles contre le gouvernement d’Abraham Lincoln.

Dans ces conditions, on ne s’étonnera pas que Texar, s’appuyant sur les opinions et les intérêts unis pour défendre la même cause, n’eût réussi à s’imposer, si peu d’estime qu’inspirât sa personne. Désormais, il allait pouvoir agir en maître, moins à l’effet d’organiser la résistance avec le concours des sudistes, et repousser la flottille du commodore Dupont, qu’afin de satisfaire ses instincts pervers.

C’est à cause de cela, ou de la haine qu’il portait à la famille Burbank, le premier soin de Texar avait été de répondre à l’acte d’affranchissement de Camdless-Bay par cette mesure obligeant tous les affranchis à vider le territoire dans les quarante-huit heures.

« En agissant ainsi, je sauvegarde les intérêts des colons, directement menacés. Oui ! ils ne peuvent qu’approuver cet arrêté, dont le premier effet sera d’empêcher le soulèvement des esclaves dans tout l’État de la Floride. »