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attente.

La majorité avait donc applaudi sans réserve à cette ordonnance de Texar, si arbitraire qu’elle fût. Oui ! arbitraire, inique, insoutenable ! James Burbank était dans son droit, quand il émancipait ses esclaves. Ce droit, il le possédait de tout temps. Il pouvait l’exercer même avant que la guerre eût divisé les États-Unis sur la question de l’esclavage. Rien ne devait prévaloir contre ce droit. Jamais la mesure, prise par Texar, n’aurait pour elle la justice ni même la légalité.

Et tout d’abord, Camdless-Bay allait être privée de ses défenseurs naturels. À cet égard, le but de l’Espagnol était pleinement atteint.

On le comprit bien à Castle-House, et, peut-être, aurait-il été à désirer que James Burbank eût attendu le jour où il pouvait agir sans danger. Mais, on le sait, accusé devant les magistrats de Jacksonville d’être en désaccord avec ses principes, mis en demeure de s’y conformer et incapable de contenir son indignation, il s’était prononcé publiquement, et publiquement aussi, devant le personnel de la plantation, il avait procédé à l’affranchissement des noirs de Camdless-Bay.

Or, la situation de la famille Burbank et de ses hôtes s’étant aggravée de ce fait, il fallait décider en toute hâte ce qu’il convenait de faire dans ces conjonctures.

Et d’abord — ce fut là-dessus que porta la discussion, le soir même — y avait-il lieu de revenir sur l’acte d’émancipation ? Non ! Cela n’aurait rien changé à l’état de choses. Texar n’eût point tenu compte de ce tardif retour. D’ailleurs, l’unanimité des noirs du domaine, en apprenant la décision prise contre eux par les nouvelles autorités de Jacksonville, se fût empressée d’imiter Zermah. Tous les actes d’affranchissement auraient été déchirés. Pour ne point quitter Camdless-Bay, pour ne pas être chassés du territoire, tous eussent repris leur condition d’esclaves, jusqu’au jour où, de par une loi d’État, ils auraient le droit d’être libres et de vivre librement où il leur plairait.

Mais à quoi bon ? Décidés à défendre, avec leur ancien maître, la plantation devenue leur patrie véritable, ne le feraient-ils pas avec autant d’ardeur, maintenant qu’ils étaient affranchis ? Oui, certes, et Zermah s’en portait