caret avant d’avoir pu rallier le port. Leurs ancres chassèrent, leurs amarres se rompirent. La marée de nuit, accrue par la poussée du vent, les emporta vers le haut fleuve — irrésistiblement. Quelques-unes se fracassèrent contre les pilotis des quais, tandis que les autres, entraînées au delà de Jacksonville, allaient se perdre sur les îlots ou les coudes du Saint-John à quelques milles plus loin. Un certain nombre des mariniers qui les montaient perdirent la vie dans ce désastre, dont la soudaineté avait déjoué toutes les mesures à prendre en pareilles circonstances.
Quant aux canonnières du commandant Stevens, avaient-elles appareillé et forcé de vapeur pour chercher un abri dans les criques d’aval ? Grâce à cette manœuvre, avaient-elles pu échapper à une destruction complète ? En tout cas, soit qu’elles eussent pris ce parti de redescendre vers les bouches du Saint-John, soit qu’elles se fussent maintenues sur leurs ancres, Jacksonville ne devait plus les redouter, puisque la barre leur opposait maintenant un obstacle infranchissable.
Ce fut donc une nuit noire et profonde qui enveloppa la vallée du Saint-John, pendant que l’air et l’eau se confondaient comme si quelque action chimique eût tenté de les combiner en un seul élément. On assistait là à l’un de ces cataclysmes qui sont assez fréquents aux époques d’équinoxe, mais dont la violence dépassait tout ce que le territoire de la Floride avait éprouvé jusqu’alors.
Aussi, précisément en raison de sa force, ce météore ne dura pas au delà de quelques heures. Avant le lever du soleil, les vides de l’espace furent rapidement comblés par ce formidable appel d’air, et l’ouragan alla se perdre au-dessus du golfe du Mexique, après avoir frappé de son dernier coup la péninsule floridienne.
Vers quatre heures du matin, avec les premières pointes du jour qui blanchirent un horizon nettoyé par ce grand balayage de la nuit, l’accalmie succédait aux troubles des éléments. Alors la populace commença à se répandre dans les rues qu’elle avait dû abandonner pour les cabarets. La milice reprit les postes désertés. On s’occupa autant que possible de procéder à la réparation des dégâts causés par la tempête. Et, en particulier, au long des quais