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nord contre sud.

contre sa poitrine. Si, en ce moment, on fût entré pour l’en séparer, elle se serait défendue avec la fureur d’une bête fauve que l’on veut éloigner de ses petits.

« Qu’as-tu, bonne Zermah ? demanda l’enfant.

— Rien… rien ! murmura la métisse.

— Et maman… quand la reverrons-nous ?

— Bientôt… répondit Zermah. Aujourd’hui peut-être !… Oui, ma chérie !… Aujourd’hui j’espère que nous serons loin…

— Et ces hommes que j’ai vus, cette nuit ?…

— Ces hommes, répondit Zermah, tu les as bien regardés ?…

— Oui… et ils m’ont fait peur !

— Mais tu les as bien vus, n’est-ce pas ?… Tu as remarqué comme ils se ressemblaient ?…

— Oui… Zermah !

— Eh bien, souviens-toi de dire à ton père, et à ton frère, qu’ils sont deux frères… entends-tu, deux frères Texar, et si ressemblants qu’on ne peut reconnaître l’un de l’autre !…

— Toi aussi, tu le diras ?… répondit la petite fille.

— Je le dirai… oui !… Cependant, si je n’étais pas là, il ne faudrait pas oublier…

— Et pourquoi ne serais-tu pas là ? demanda l’enfant, qui passait ses petits bras au cou de la métisse comme pour mieux s’attacher à elle.

— J’y serai, ma chérie, j’y serai !… Maintenant, si nous partons… comme nous aurons une longue route à faire… il faut prendre des forces !… Je vais faire ton déjeuner…

— Et toi ?

— J’ai mangé pendant que tu dormais, et je n’ai plus faim ! »

La vérité est que Zermah n’aurait pu manger, si peu que ce fût, dans l’état de surexcitation où elle se trouvait. Après son repas, l’enfant se remit sur sa couche d’herbes.

Zermah vint alors se placer près d’un interstice que les roseaux du paillis laissaient entre eux à l’angle de la chambre. De là, pendant une heure, elle