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Page:Verne - Onze jours de siège.djvu/9

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Oh ! oh ! comme vous dites cela !

Laurence

Ah ! mon cher Roquefeuille, tâchez de me distraire, et soyez gai pour nous deux, car je suis bien triste.

Roquefeuille

Est-ce possible ? Contez-moi cela bien vite !… Qu’avez-vous ?

Laurence

Je n’ai rien… pas même… mon mari !

Roquefeuille

Robert le diable ?

Laurence

Voilà que vous plaisantez !

Roquefeuille

Ah ! ah ! le cas est grave. Vous me dites : Soyez gai, sans vous informer si c’est mon heure ! Je fais tous mes efforts, et vous n’êtes pas contente. Il y a donc quelque chose ?

Laurence

Oui.

Roquefeuille

Eh bien, confessez-vous ! Je sais plus d’une oreille qui serait friande d’entendre ces jolis péchés de femme ! Je vous prête la mienne. Avouez que votre mari est sorti à la suite d’une petite discussion.

Laurence

Oui.

Roquefeuille

Je m’en doutais. Et cette discussion est venue de ce que vous n’avez jamais bien compris le rôle respectif des époux. Tenez, regardez la première voiture qui passe. Il y a un homme sur le siège et un cheval dans les brancards.

Laurence

C’est leur place !

Roquefeuille

D’accord ! Mais pourquoi ? Le cheval est le plus fort, et, s’il le voulait, il emporterait la voiture et l’homme, et c’est lui qui conduirait. Or l’homme, qui le sait, se garde bien d’irriter le cheval ; il le flatte, il le caresse de la voix, de la main, et, grâce à cet accord mutuel, la voiture marche sans accident. Eh bien ! chère dame, vous avez trop appuyé sur la bride, et votre mari se sera cabré.

Laurence

Je le crains !

Roquefeuille

J’en étais sûr ! Robert n’est pas parti… Il s’est évadé… Il a le mors aux dents !

Laurence

Le croyez-vous ?