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Page:Verne - P’tit-bonhomme, Hetzel, 1906.djvu/101

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p’tit-bonhomme.

P’tit-Bonhomme, resté seul, ne devinant rien, mais sentant qu’il avait dû causer un grand malheur, s’était sauvé sans qu’on l’eût aperçu. Il erra toute la nuit à travers les rues de Limerick, à l’aventure, et finit par se réfugier au fond d’une sorte de vaste jardin, avec des maisonnettes éparses çà et là, des tables de pierre surmontées de croix. Au milieu se dressait une énorme bâtisse, très sombre du côté qui n’était pas éclairé par la lumière de la lune.

Ce jardin était le cimetière de Limerick — un de ces cimetières anglais avec ombrages, bosquets verdoyants, allées sablées, pelouses et pièces d’eau, qui sont en même temps des lieux de promenade très fréquentés. Ces tables de pierre étaient des tombes, ces maisonnettes, des monuments funéraires, cette bâtisse, la cathédrale gothique de Sainte-Marie.

C’est là que l’enfant avait trouvé un asile, là qu’il passa la nuit, couché sur une dalle à l’ombre de l’église, tremblant au moindre bruit, se demandant si ce vilain homme… le duc de Kendalle, n’allait pas venir le chercher… Et madame Anna qui ne serait plus là pour le défendre !… On l’emporterait loin… bien loin… dans un pays « où il y aurait des bêtes »… Il ne reverrait plus sa maman… et de grosses larmes noyaient ses yeux…

Lorsque le jour parut, P’tit-Bonhomme entendit une voix qui l’appelait.

Un homme et une femme étaient là, un fermier et une fermière. En traversant la route, ils l’avaient aperçu. Tous deux se rendaient au bureau de la voiture publique, qui allait partir pour le sud du comté.

« Que fais-tu là, gamin ? » dit le fermier.

P’tit-Bonhomme sanglotait au point de ne pouvoir parler.

« Voyons, que fais-tu là ? » répéta la fermière d’une voix plus douce.

P’tit-Bonhomme se taisait toujours.

« Ton papa ?… demanda-t-elle alors.

— Je n’ai pas de papa ! répondit-il enfin.