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mauvaise année.

— Oui, monsieur Harbert, répondit le fermier dont la voix tremblait légèrement. C’est bien cent livres… Mais je vous demanderai un délai… Vous m’avez quelquefois accordé…

— Un délai… des délais ! s’écria Harbert. Qu’est-ce que cela signifie ?… Je n’entends que ce refrain dans toutes les fermes !… Est-ce avec des délais que M. Eldon pourra s’acquitter envers lord Rockingham ?…

— L’année a été mauvaise pour tous, monsieur Harbert, et vous pouvez croire que notre ferme n’a pas été épargnée…

— Cela ne me regarde pas, Mac Carthy, et je ne puis vous accorder de délai. »

P’tit-Bonhomme, blotti dans un coin sombre, les bras croisés, l’œil grand ouvert, écoutait.

« Voyons, monsieur Harbert, reprit le fermier, soyez pitoyable au pauvre monde… Il ne s’agit que de nous donner un peu de temps… Voici la moitié de l’hiver qui est passée, et elle n’a pas été trop rigoureuse… Nous nous rattraperons à la saison prochaine…

— Voulez-vous payer oui ou non, Mac Carthy ?

— Nous le voudrions, monsieur Harbert… écoutez-moi… je vous assure que cela nous est impossible…

— Impossible ! s’écria le régisseur. Eh bien, procurez-vous de l’argent en vendant…

— Nous l’avons fait, et ce qui nous restait a été détruit par l’inondation… On n’aurait pas cent shillings du mobilier…

— Et maintenant que vous ne serez même pas en état de commencer vos labours, s’écria le régisseur, vous comptez sur la prochaine récolte pour vous acquitter ?… Allons donc ! Est-ce que vous vous moquez de moi, Mac Carthy ?

— Non, monsieur Harbert, Dieu m’en préserve, mais, par pitié, ne nous ôtez pas ce dernier espoir ! »

Murdock et son frère, immobiles et muets, ne contenaient pas sans peine leur indignation, à voir le père se courber humblement devant cet homme.