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p’tit-bonhomme.

— Si, John… le valet de chambre, dont il n’y a pas lieu de suspecter…

— Il est toujours prudent de tenir les gens en suspicion, répondit lady Piborne, quitte à reconnaître son erreur.

— Il serait possible, après tout, répartit le marquis, que ce portefeuille eût glissé sur une des banquettes de la calèche…

— Le valet de pied s’en fût aperçu, et à moins qu’il n’ait cru devoir s’approprier cette somme de cent livres…

— Les cent livres, dit lord Piborne, j’en ferais à la rigueur le sacrifice ; mais ces papiers de famille qui constituaient nos droits vis-à-vis de la paroisse…

— La paroisse ! » répéta lady Piborne.

Et l’on sentait que c’était le château qui parlait par sa bouche, en reléguant la paroisse au rang infime d’une vassale dont les revendications étaient aussi déplorables qu’irrespectueuses.

« Ainsi, reprit-elle, si nous venions à perdre ce procès… contre toute justice…

— Et nous le perdrions, sans aucun doute, affirma lord Piborne, faute de pouvoir produire ces actes…

— La paroisse entrerait en possession de ces mille acres de bois, qui confinent au parc et font partie du domaine des Piborne depuis les Plantagenêts ?…

— Oui, marquise.

— Ce serait abominable !…

— Abominable, comme tout ce qui menace la propriété féodale en Irlande, ces revendications des home-rulers, cette rétrocession des terres aux paysans, cette rébellion contre le landlordisme !… Ah ! nous vivons à une singulière époque, et, si le lord lieutenant n’y met bon ordre en faisant pendre les principaux chefs de la ligue agraire, je ne sais, ou plutôt je ne sais que trop comment les choses finiront… »

En ce moment, la porte du cabinet s’ouvrit, et un jeune garçon parut sur le seuil.