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pendant quatre mois.

Bref, il vécut de ces humbles métiers à la portée des enfants pendant son séjour à Newmarket, commissions faites pour l’un ou pour l’autre, légers bagages à porter, vente de boîtes d’allumettes qu’il put acheter avec une demi-couronne gagnée un certain jour, et dont grâce à son précoce instinct du commerce, il sut tirer un passable bénéfice. Sa physionomie sérieuse le rendait intéressant, et les promeneurs étaient disposés à lui prendre sa marchandise, lorsqu’il criait d’une voix claire :


« Some light, sir… some light[1]. »


En somme, Birk et lui eurent moins à pâtir dans cette bourgade qu’au long de leur pénible parcours à travers le comté. Il semblait même que P’tit-Bonhomme, qui avait su se créer quelques ressources par son intelligence, aurait peut-être dû demeurer à Newmarket, lorsque, dans les derniers jours d’avril, le 29, il prit brusquement la route qui conduit à Cork.

Il va de soi que Birk l’accompagnait, et, en ce moment, il avait tout juste trois shillings et six pence dans sa poche.

Qui l’eût observé depuis la veille, aurait remarqué le changement qui s’était opéré dans sa physionomie. En proie à une certaine anxiété, il regardait autour de lui, comme s’il eût craint d’être espionné. Son pas était rapide, et peu s’en fallait qu’il ne se mît à courir de toute la vitesse de ses jambes.

Neuf heures du matin sonnaient, lorsqu’il dépassa les dernières maisons de Newmarket. Le soleil brillait d’un vif éclat. Avec la fin d’avril, débute le printemps de la Verte Erin. Un peu d’animation régnait dans la campagne. Mais notre jeune garçon paraissait si préoccupé que la charrue promenée sur le sol, les semeurs lançant la graine à large volée, les animaux épars sur les pâtures, rien ne ravivait en lui les souvenirs de Kerwan. Non ! il allait toujours droit devant lui. Birk, à son côté, lui lançait un regard interrogateur, et, cette fois, ce n’était plus le chien qui guidait son jeune maître.

  1. « De la lumière, monsieur », c’est-à-dire : du feu.