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Page:Verne - P’tit-bonhomme, Hetzel, 1906.djvu/315

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p’tit-bonhomme.

Enfin l’essentiel était d’atteindre Cork — ce qui exigerait un certain temps. Or, P’tit-Bonhomme avait mieux à songer qu’à dépenser son argent en voiture ou en railway, et il n’était pas impossible qu’il parvînt à gagner quelques shillings à travers les bourgades et les villages, comme entre Limerick et Newmarket. Sans doute, une trentaine de milles pour les jambes d’un enfant de onze ans, c’est une jolie trotte, et il y emploierait une huitaine de jours, pour peu qu’il fît halte dans les fermes.

Le temps était beau, déjà froid à cette époque, le chemin sans boue et sans poussière, excellentes conditions quand il s’agit d’un voyage à pied. Chapeau de feutre sur la tête, veste, gilet et pantalon de drap chaud, bons souliers avec guêtres de cuir, son paquet sous le bras, son couteau dans sa poche — cadeau de Grand’mère — à la main un bâton qu’il venait de couper à une haie, P’tit-Bonhomme n’avait point l’air d’un pauvre. Aussi devait-il se garder des mauvaises rencontres. D’ailleurs, rien qu’en montrant ses crocs, Birk suffirait à éloigner les gens suspects.

Cette première journée de marche, avec un repos de deux heures, se chiffra par un trajet de cinq milles et une dépense d’un demi-shilling. Pour deux, un enfant et un chien, ce n’est pas énorme, et la pitance de lard et de pommes de terre est maigre à ce prix-là. Quant à regretter la cuisine de Trelingar Castle, P’tit-Bonhomme n’y songea pas un instant. Le soir venu, il coucha un peu au-delà du bourg de Baunteer, dans une grange, avec la permission du fermier, et, le lendemain, après un déjeuner qui lui coûta quelques pence, il se remit gaillardement en marche.

Même temps à peu près, des éclaircies entre les nuages. Le chemin fut pénible, car il commençait à monter. Cette portion du comté de Cork présente un relief orographique d’une certaine importance. La route qui va de Kanturk au chef-lieu traverse le système compliqué des monts Boggeraghs. De là, des côtes raides, des crochets fréquents. P’tit-Bonhomme n’avait qu’à marcher droit devant lui, il ne risquait pas de s’égarer. D’ailleurs, il était dans sa nature de savoir s’orienter