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premier chauffeur.

— Comme ça vous plaira, mes boys ! » répliqua Grip.

On débuta par descendre dans la cale à travers les panneaux du pont. Quel plaisir éprouva notre négociant en herbe à voir ce superbe arrimage : des balles de coton, des boucauts de sucre, des sacs de café, des caisses de toutes sortes renfermant les produits exotiques du Nouveau-Continent. Il flairait à plein nez cette pénétrante odeur de commerce. Et dire que toutes ces marchandises avaient été achetées au loin pour le compte des armateurs du Vulcan, qui allaient les revendre sur les marchés du Royaume-Uni… Ah ! si jamais P’tit-Bonhomme…

Grip interrompit ce rêve, invitant son boy à remonter sur le pont afin de le conduire aux cabines du capitaine et des officiers, disposées sous la dunette, tandis que Bob, grimpant aux enfléchures des haubans, s’achevalait sur les barres du mât de misaine. Non ! de sa vie il n’avait été si heureux, si joyeux, si souple, si singe, et peut-être y avait-il en lui l’étoffe d’un mousse ?…

À onze heures, Grip, P’tit-Bonhomme et Bob étaient assis devant une table dans le cabaret de l’Old-Seeman, Birk, sur son derrière, la bouche à la hauteur de la nappe, et, si tous avaient appétit, nous le laissons à imaginer.

Mais aussi quel repas dont Grip avait voulu prendre la dépense à son compte, des œufs au beurre noir, du jambon froid, doublé d’une tremblottante gelée couleur d’or, du fromage de Chester, le tout arrosé d’une excellente ale écumeuse ! Et il y eut du homard — non le vulgaire crabe, le tourteau du pauvre — du vrai homard d’un blanc rosé dans sa carapace rougie à l’eau bouillante, du homard des riches, et que Bob déclara supérieur à tout ce qu’on peut inventer de meilleur pour « se mettre dans le ventre ! »

Il va de soi que manger n’empêchait point de causer. On parlait la bouche pleine, et, si cela ne se pratique pas chez les gens comme il faut, nos jeunes convives donneront pour excuse qu’ils n’avaient point de temps à perdre.

Et alors, que de souvenirs échangés entre Grip et P’tit-Bonhomme,