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et pourquoi pas ?…

« Retire ce pot, Jenny, et ouvre-le ! »

La fillette obéit, et chacun la regardait sans prononcer une parole.

Lorsque le pot eut été ouvert, on vit qu’il contenait un certain nombre de cailloux, de l’espèce de ceux qui sèment le lit de la Clashen dans le voisinage.

« M. Martin, dit P’tit-Bonhomme, vous rappelez-vous ?… Chaque soir, vous me donniez un caillou, lorsque vous aviez été content de moi…

— Oui, mon garçon, et il n’y a pas eu un seul jour où tu n’aies mérité d’en recevoir un !…

— Ils représentent le temps que j’ai passé à la ferme de Kerwan. Eh bien, compte-les, Jenny… Tu sais compter, n’est-ce pas ?..

— Oh oui ! » répondit la fillette.

Et elle se mit à compter les cailloux, en faisant des petits tas par centaines.

« Quinze cent quarante, dit-elle.

— C’est bien cela, répondit P’tit-Bonhomme. Cela fait plus de quatre ans que j’ai vécu dans ta famille, ma Jenny… ta famille qui était devenue la mienne !

— Et ces cailloux, dit M. Martin, en baissant la tête, ce sont les seuls gages que tu aies jamais reçus de moi… ces cailloux que j’espérais te changer en shillings…

— Et qui, pour vous, mon père, vont se changer en guinées ! »

Ni M. Martin, ni aucun des siens ne pouvaient croire, ne pouvaient comprendre ce qu’ils entendaient. Une pareille fortune ?… Est-ce que P’tit-Bonhomme était fou ?

Sissy comprit leur pensée, et se hâta de dire :

« Non, mes amis, il a le cœur aussi sain que l’esprit, et c’est son cœur qui parle !

— Oui, mon père Martin, ma mère Martine, mes frères Murdock, Pat et Sim, et toi, Kitty, et toi, ma filleule, oui !… je suis assez heureux pour vous rendre une part du bien que vous m’avez fait !… Cette terre est à vendre… Vous l’achèterez… Vous relèverez la