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ferme… L’argent ne vous manquera pas… Vous n’aurez plus à subir les mauvais traitements d’un Harbert… Vous serez chez vous… Vous serez vos maîtres !… »

Et alors P’tit-Bonhomme fit connaître toute son existence depuis le jour où il avait quitté Kerwan, et dans quelle situation il se trouvait à présent. Cette somme qu’il mettait à la disposition de la famille Mac Carthy, cette somme représentée en guinées par les quinze cent quarante cailloux, cela faisait quinze cent quarante livres[1] — une fortune pour de pauvres Irlandais !

Et ce fut la première fois peut-être que, sur cette terre qui avait été arrosée de tant de pleurs, tombèrent des larmes de joie et de reconnaissance !

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La famille Mac Carthy demeura ces trois jours de Pâques au village de Silton avec P’tit-Bonhomme, Bob, Sissy et Grip. Et, après de touchants adieux, ceux-ci revinrent à Dublin, où, dès le matin du 11 avril, le bazar rouvrit ses portes.

Une année s’écoula — cette année 1887, qui devait compter comme une des plus heureuses dans l’existence de tout ce petit monde. Le jeune patron avait alors seize ans accomplis. Sa fortune était faite. Les résultats de l’affaire de la Doris avaient dépassé les prévisions de M. O’Brien, et le capital de Little Boy and Co s’élevait à vingt mille livres. Il est vrai, une partie de cette fortune appartenait à M. et Mme Grip, à Bob, les associés de la maison des Petites Poches. Mais est-ce que tous ne formaient pas qu’une seule et même famille ?

Quant aux Mac Carthy, après avoir acquis deux cents acres de terre dans d’excellentes conditions, ils avaient relevé la ferme, rétabli le matériel, racheté le bétail. Il va sans dire que force et santé leur étaient revenues en même temps que l’aisance et le bonheur. Songez donc ! des Irlandais, de simples tenanciers, qui ont longtemps pâti

  1. Environ 38,500 francs.